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La question juridique RH: le temps (pour se rendre à une) formation est-il du temps de travail ?


Nous recevons la question suivante de Mme Claire B., responsable Cellule Sociale et conseillère Psychosociale :

 

« Le temps durant lequel un travailleur se rend à une formation est-il considéré comme du temps de travail ? La durée des trajets est-elle comprise dans la durée du temps de travail ? »


Pour répondre à cette question, il faut distinguer entre :

1. Les formations nécessaires au travailleur pour exécuter le travail pour lequel il est engagé ou qui doivent être organisées par l'employeur en application de la loi ou d’une CCT (« formations légalement obligatoires ») ;

2. Les formations qui ne sont pas légalement obligatoires, mais qui sont imposées au travailleur par l’employeur (« formations suivies à la demande de l’employeur ») ;

3. Les formations qui sont suivies à l’initiative du travailleur dans le cadre de son « droit à la formation » ;

4. Les formations qui sont suivies à l’initiative du travailleur en-dehors du cadre de son « droit à la formation ».


Précisons d’emblée que l’analyse qui suit ne s’applique majoritairement pas aux travailleurs investis d’un poste de direction ou de confiance. En effet, ces travailleurs ne sont pas soumis à la majorité des dispositions relatives à la durée du travail.


1.    Formations légalement obligatoires


De manière générale, le temps de travail est légalement défini par la loi du 16 mars 1971 comme le temps durant lequel le travailleur « est à la disposition de l’employeur » (loi du 16 mars 1971 sur le travail, art. 19).


En application de ce principe, la loi du 7 octobre 2022 prévoit que le temps pendant lequel le travailleur « suit une formation nécessaire au travailleur pour exécuter le travail pour lequel il est engagé et qui doit être organisée par l'employeur en application de la loi ou d’une CCT », doit être considéré comme du temps de travail (loi du 7 octobre 2022 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles, art. 21).


Ceci est logique dans la mesure où, durant une telle formation, le travailleur ne peut disposer librement de son temps et est effectivement « à la disposition de l’employeur ».


En ce qui concerne le temps de déplacement vers une formation « légalement obligatoire », la loi du 7 octobre 2022 ne précise rien. Il faut donc se poser la question de savoir si le travailleur est déjà « à la disposition de l’employeur » durant ce temps de trajet. A cet égard, il faut distinguer entre deux cas de figure :


- Si la formation a lieu sur le lieu de travail habituel, le temps de trajet ne sera pas considéré comme du temps de travail (la jurisprudence majoritaire considère en effet que le trajet domicile-lieu de travail habituel ne constitue pas du temps de travail).



-  Si la formation a lieu en un autre endroit que le lieu habituel du travail, il y a controverse quant à la question de savoir si le temps de déplacement vers cet autre endroit doit être considéré comme du temps de travail.


La Cour de justice de l’Union européenne a toutefois décidé que les déplacements que les travailleurs sans lieu de travail fixe ou habituel effectuent entre leur domicile et le premier ou le dernier client de la journée constituent du temps de travail. Cette hypothèse étant relativement comparable à celle du déplacement effectué par un travailleur entre son domicile et un lieu de formation variable imposé par l’employeur, il existe donc selon nous un risque qu’un juge estime que le temps consacré à se rendre à une telle formation légalement obligatoire, à un endroit qui n’est pas repris dans le contrat de travail, constitue du temps de travail.


2.    Formations suivies à la demande de l’employeur (autres que les formations « légalement obligatoires »)


Contrairement aux formations « légalement obligatoires », aucune loi ne dispose expressément si le temps passé à assister à ce type de formations est du temps de travail.


S’agissant d’une formation imposée au travailleur, celui-ci est toutefois à notre estime « à la disposition de l’employeur » durant ce temps de formation, et le temps consacré à suivre celle-ci doit dès lors être considéré comme du temps de travail.


En ce qui concerne le temps de déplacement, la même logique que celle exposée ci-avant nous semble d’application :

- Si la formation a lieu sur le lieu de travail habituel, le temps de trajet n’est pas considéré comme du temps de travail ;

- Si la formation a lieu en un autre endroit, il existe un risque relativement important que le temps de trajet soit considéré comme du temps de travail.


3.    Formations suivies à l’initiative du travailleur dans le cadre du « droit à la formation »


Depuis la loi du 3 octobre 2022 portant des dispositions diverses relatives au travail (aussi appelée « deal pour l’emploi »), les travailleurs disposent d’un « droit individuel à la formation ». Le nombre de jours de formation est déterminé au niveau du secteur (à défaut de dispositions sectorielles, pour un travailleur occupé à temps plein, ce nombre s’élève actuellement égal à 4 jours/an et passera à 5 jours/an à compter du 1er janvier 2024).


La loi du 3 octobre 2022 indique que le travailleur conserve son droit à la rémunération normale durant les heures de formation, et ce, que la formation ait lieu durant les heures normales de travail ou en-dehors de ces heures.


Le SPF Emploi a toutefois adopté une position selon laquelle, bien que ce temps de formation soit rémunéré, il ne s’agit pas de « temps de travail » au sens de la loi du 16 mars 1971 sur le travail. Le SPF considère donc, à juste titre selon nous, que dans la mesure où le travailleur n’est pas à la disposition de l’employeur durant une formation suivie à son initiative, il ne s’agit pas de « temps de travail » (https://emploi.belgique.be/fr/themes/formation/droit-individuel-la-formation/droit-individuel-la-formation-faq#toc_heading_12).


En ce qui concerne le temps de déplacement vers une telle formation, ce temps ne nous semble pas constituer du temps de travail, le travailleur n’étant, comme indiqué ci-avant, pas « à la disposition de l’employeur ».


4.    Formations suivies à l’initiative du travailleur en-dehors de son « droit à la formation »


Le travailleur qui se rend à une formation de sa propre initiative en-dehors de son droit à la formation n’a pas droit à sa rémunération. Il n’a d’ailleurs pas le droit de s’absenter du travail pour cela, sauf à prendre un congé autorisé par l’employeur.


Ce temps ne constitue pas du temps de travail, le travailleur ayant décidé librement de suivre une telle formation, même si la formation a un lien avec le travail.


Il en va a fortiori de même du temps de déplacement vers une telle formation, qui n’est par conséquent pas considéré comme du temps de travail.



Cette réponse vous a été proposée par YELAW, cabinet d’avocats spécialisés dans le droit du travail. Si vous souhaitez vous aussi soumettre une question, envoyez-nous votre question à l’adresse legal@hralert.be. Toutes les deux semaines nous publierons une réponse sur notre plateforme.

 

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